Pagine del Taccuino di ricerca
  • Wednesday, January 20, 2021

    Hommage à Jean-Marie Martin (1938-2020)

    Jean-Marie Martin, directeur de recherches honoraire au CNRS (Laboratoire Orient et Méditerranée, UMR 8167) est décédé le 13 janvier 2020. Il était l’un des plus grands spécialistes de l’histoire de l’Italie méridionale au Moyen Âge. Il avait notamment préparé avec Amedeo Feniello l’ouvrage De la Pouille à l’Artois. Documents italiens concernant le comte d’Artois Robert II conservés aux Archives départementales du Pas-de-Calais (1266-1303).

     

    Voici l’hommage que lui a consacré Annick Peters-Custot (Université de Nantes) pour la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public.

     

    Si Jean-Marie Martin a affirmé, lors de son discours de réception des Mélanges préparés en son honneur, qu’il n’avait pas de considération particulière pour une carrière « administrative » qu’il estimait (sans doute à tort) sans trop de relief, il soulignait toujours le plaisir qu’il eut à enseigner, d’abord au lycée de Troyes, puis à l’université de Tunis, à celles de Tours et Orléans, et à la Sorbonne, avant d’entrer au CNRS. Considérable est son œuvre historique, dont l’ampleur, la précision, la rigueur et l’érudition en font un des plus importants spécialistes de l’Italie méridionale médiévale. Cette œuvre associe des travaux d’analyse qui restent des monuments (tel le livre tiré de sa thèse d’État, La Pouille du VIe au XIIe siècle paru à Rome, à l’École française de Rome, en 1993 auquel s’ajoutent plus de 350 articles et papiers), des ouvrages de plus large diffusion d’une rare intelligence (Italies normandes, paru en 1994 dans la collection « La vie quotidienne », mais citée jusque dans des travaux de thèse et traduit en italien) et surtout des publications de sources d’archives de et sur l’Italie du Sud, dont Jean-Marie Martin était le spécialiste incontesté. Depuis la publication des Chartes de Troia, en 1976, c’est plus d’une douzaine d’éditions de sources qui sont parues grâce à lui avec, comme aboutissement et couronnement, ce qui resta en la matière son maître-ouvrage, le Registre de Pierre Diacre, paru en 2015 en 5 volumes, et pour lequel il a coordonné une équipe de savants et travaillé pendant plus de 17 ans. 

    Jean-Marie Martin professait deux références historiographiques françaises majeures : Marc Bloch et Pierre Toubert, dont il suivait les séminaires avec assiduité. Il était un historien de la longue durée mais du détail, de l’histoire d’une (grande) région sans régionalisme, un historien de l’économie et de la société mais sans exclure les dimensions politiques et culturelles, un historien des organisations et des structures humaines, attentif aux paysages et aux communautés. Sa vie se partageait entre deux pôles, Paris et Rome, qu’il reliait régulièrement, accompagné de son épouse Bernadette Martin-Hisard, au volant de sa voiture, dans d’interminables trajets généralement ponctués d’arrêts dans le Sud de la France. Ces deux pôles étaient aussi les sièges de deux institutions principales dans sa carrière : le Centre d’histoire et de Civilisation de Byzance, devenu une équipe de l’UMR 8167 « Orient et Méditerranée », et l’École française de Rome. S’il a beaucoup œuvré avec des collègues, souvent devenus amis, de son laboratoire parisien, Jean-Marie Martin restera inséparable de la Bibliothèque du Palais Farnèse où sa présence était si coutumière que c’étaient surtout ses rares absences qu’on remarquait. Dans ces deux institutions, il contribua à des projets collectifs ou des travaux à plusieurs mains (notamment avec Jacques Lefort), et coordonna de nombreux programmes de recherche pour l’École, car il n’était jamais à court d’idées, jusqu’au dernier programme, sur les cartulaires italiens, pour lequel il réunit une équipe franco-italienne nourrie de jeunes historien(ne)s. Jean-Marie Martin a profondément marqué l’histoire de l’École et a contribué à conforter l’insertion de cette dernière dans l’historiographie du « Mezzogiorno » médiéval. Mais c’est au Palais Farnèse que se déployaient le plus ses rares qualités de disponibilité, de générosité, d’attention aux jeunes chercheurs et aux jeunes collègues, à qui il faisait bénéficier des ressources inépuisables de son infaillible érudition ; des qualités grâces auxquelles il créa et entretint un remarquable réseau d’amis et de collègues en France comme en Italie, où il était réellement reconnu comme un Puer Apuliae.

    Jean-Marie Martin était tout cela mais il ne l’était pas seul. En réalité, c’est un couple qu’il faut ici mentionner, celui qu’il formait avec notre collègue Bernadette Martin-Hisard, laquelle l’accompagna dans le travail comme dans sa vie, lumineuse d’une fertilité intellectuelle et amicale peu commune.

    Annick Peters-Custot